Piotr Słonimski, pionnier franco-polonais de la génétique - polsko-francuski pionier genetyki

Opracowanie: dr Marcin Krasnodębski

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Auteur : dr Marcin Krasnodębski

Professeur Piotr Słonimski, né en 1922 à Varsovie et décédé en 2009 à Paris, était un généticien franco-polonais de renommée internationale, travaillant entre autres sur l’héritage mitochondrial et la génomique. Malgré son émigration, Słonimski a participé activement à la vie culturelle, scientifique et politique polonaise. Grâce à ses réalisations professionnelles, il est peut-être devenu l’un des scientifiques polonais les plus reconnaissables de la seconde moitié du 20e siècle.

Famille et jeunesse

Piotr Słonimski est né dans une famille ayant une tradition scientifique exceptionnelle. Son arrière-grand-père, Chaim Zelig Słonimski (1810-1904), était un mathématicien, astronome, inventeur et auteur de nombreux ouvrages scientifiques en hébreu. Le grand-père de Piotr, Stanisław Słonimski (1853-1916), était un célèbre médecin de Varsovie qui est devenu le prototype du personnage du Dr Szuman dans la Poupée de Bolesław Prus. Le père de Piotr Słonimski, Piotr Wacław Slonimski (1893-1944), quant à lui, pratiquait également la médecine, mais était aussi un pionnier de la zoologie, de l’histologie et de l’embryologie.

Dans sa jeunesse, Piotr Słonimski a eu l’occasion de faire ses études à Varsovie, au prestigieux lycée Étienne Báthory. Il suit les traces de son père et de son grand-père et, malgré l’occupation, étudie la médecine à la faculté clandestine de médecine de l’université de Varsovie. Il a terminé ses études après la guerre, en travaillant au département d’embryologie de l’université Jagiellon, où il a obtenu son diplôme de médecin en 1946.

Słonimski a été membre de la résistance indépendantiste dès le début de la Seconde Guerre mondiale. Jusqu’en 1941, il est actif dans « Szare Szeregi », puis sert dans l’unité de diversion de combat du 7e section « Obroga » de le district de Varsovie de l’Armée de l’intérieur (Armia Krajowa). Il a notamment atteint le grade de caporal cadet.. Słonimski a participé à l’insurrection de Varsovie, mais après quelques jours seulement, il a été fait prisonnier par les Allemands, où il a été utilisé comme « bouclier vivant » pour couvrir les actions des chars allemands. Par miracle, il réussit à s’échapper et, pendant le reste du soulèvement, il fait office de médecin assistant dans un poste de secours organisé par son père. Malheureusement, ses deux parents ont été tués dans un bombardement le 2 septembre 1944.

Słonimski a été décoré de la Croix de la Valeur pour ses services, mais il s’est également retrouvé pris pour cible par la police secrète soviétique, qui le considérait comme un ennemi politique. En 1947, il parvient à quitter la Pologne pour la France, où il s’installe à Paris.

Carrière de chercheur

Slonimski a trouvé un emploi à l’Institut de biologie physique et chimique dans le laboratoire de Boris Ephrussi, un éminent biologiste d’origine russe. Il y a bénéficié d’une bourse du Centre national de la recherche scientifique (CNRS), la plus grande institution de recherche française, qui lui a permis d’obtenir un doctorat en sciences biologiques en 1952. Ses travaux en génétique sur les mécanismes de l’hérédité cytoplasmique chez la levure lui valent la célébrité et de nombreuses offres d’emploi dans les meilleurs laboratoires français (outre Ephrussi, il se voit proposer un poste par le futur lauréat du prix Nobel Jacques Monod, avec qui Słonimski a collaboré pendant de nombreuses années).

Il convient de noter le contexte inhabituel dans lequel Słonimski s’est intéressé à la génétique et est passé sous la tutelle d’Ephrussi. Słonimski a  découvert la génétique par hasard. Pendant la guerre, il a pris part à une action armée de l’Armée de l’Intérieur, au cours de laquelle l’un des postes de police de Varsovie a été attaqué. Les soldats allemands en fuite ont laissé derrière eux le livre Handbuch der Biologie [Manuel de biologie] de l’éminent biologiste, philosophe et pionnier de la cybernétique autrichien, Ludwig von Bertalanffy. Słonimski était particulièrement intéressé par les travaux de l’Allemand Franz Möwus, cités dans le livre, qui prétendait avoir réussi à découvrir la base biochimique de la génétique.

Il faut souligner que dans la première moitié du 20e siècle, la génétique était une discipline extrêmement abstraite et le concept de gène était détaché de la réalité physique et chimique concrète. La structure de l’ADN n’a été découverte qu’en 1953, et les années 1940 et 1950 ont vu naître la biologie moléculaire, qui a permis de mieux comprendre les bases de la transmission des gènes. Słonimski s’est donc intéressé aux questions pionnières du point de vue de la science de l’époque.

C’est également dans un livre de Bertalanffy trouvé au hasard que Słonimski est tombé sur une note de bas de page concernant le travail d’Ephrussi. C’est cette découverte qui l’a incité à quitter le pays pour la France et à contacter le directeur du laboratoire parisien. Le paradoxe est que la France était à l’époque un pays extrêmement en retard en matière de recherche en génétique et en biochimie, surtout par rapport aux pays anglo-saxons et germanophones. Słonimski est donc arrivé au bon endroit au bon moment et a pu déployer ses ailes en tant que jeune scientifique menant des recherches dans une discipline en plein développement, en fait une discipline qui était auparavant presque inconnue en France. Grâce à cette situation favorable, Słonimski s’est rapidement imposé comme un pionnier de la génétique française, jetant les bases de l’un des domaines les plus importants de la science biologique au 20e siècle. Sa carrière s’est développée à un rythme vertigineux. Il devient professeur au CNRS dès 1962 et fonde en 1967 le célèbre laboratoire de génétique moléculaire de Gif-sur-Yvette, dont il sera le directeur de 1971 à 1991. Entre 1966 et 1991, il a également occupé le poste de professeur à l’université Pierre et Marie Curie à Paris.

Réalisations scientifiques

Il est impossible de résumer en quelques mots les questions scientifiques que Piotr Slonimski a traitées tout au long de sa vie. En termes simples, il y a deux grands thèmes auxquels il s’est consacré. Tout d’abord, sa spécialité était la transmission de l’information génétique contenue dans le génome mitochondrial (ADNmt). Les mitochondries sont les organites responsables de la production d’énergie dans la cellule. La particularité de ce type d’héritage est qu’il ne se produit pas selon les lois mendéliennes, qui régissent la génétique classique. Le laboratoire de Słonimski a travaillé sur les mitochondries de levure, et ses résultats ont permis de mieux comprendre la structure des gènes « en mosaïque », les mécanismes d’évolution du matériel génétique ou la relation entre le noyau cellulaire et le cytoplasme.

Le deuxième grand domaine de prédilection de Piotr Słonimski était la génomique, c’est-à-dire le domaine de la biologie moléculaire et de la biologie théorique qui traite de l’analyse du génome des organismes. L’objectif principal de la génomique est de connaître la séquence du matériel génétique, de faire un « mapping » du génome et d’identifier les relations et interactions au sein du génome. Le scientifique polonais s’est enthousiasmé pour cette nouvelle voie de recherche, qui a commencé à se développer dans les années 1970 et 1980, et s’est employé activement à convaincre ses collègues que la cartographie de l’ensemble du génome de différents organismes était une étape naturelle et nécessaire dans le développement de la science biologique. Grâce en partie à son implication, la Commission européenne a décidé de financer un projet de cartographie du génome de la levure, qui a abouti en 1996. La levure a été le premier organisme eucaryote dont le génome a été séquencé avec succès dans son intégralité. On se souviendra que le Human Genome Project, un projet visant à cartographier le génome humain, a été l’une des plus importantes réalisations scientifiques des années 1990. Sans des personnes comme Słonimski, ce type d’initiatives n’aurait peut-être jamais vu le jour.

Ses contributions scientifiques lui ont valu, entre autres, la plus prestigieuse récompense scientifique française, la médaille d’or du CNRS, et d’être membre de la célèbre Académie française. Il a également été impliqué dans de nombreuses instances traitant de la politique scientifique française, par exemple en tant que membre du Collège gouvernemental de prévention des risques technologiques.

Patriotisme et attachement à la patrie

En France, le professeur Słonimski a eu une carrière académique sans précédent. Malgré cela, il est resté extrêmement lié à sa patrie tout au long de sa vie.

Les débuts n’ont pas été faciles. Immédiatement après son départ pour la France en 1949, il sont passeport polonais lui est retiré pour des raisons politiques et il reste apatride pendant de nombreuses années jusqu’à ce qu’il obtienne la nationalité française au début des années 1960. Il n’a pu se rendre en Pologne que pour la première fois depuis la guerre, en 1965. Cependant, la renommée de Słonimski a rapidement atteint le monde académique polonais et, dès 1976, il a reçu un doctorat honorifique de l’université de Wrocław pour sa contribution au développement de la génétique et à la coopération franco-polonaise dans le domaine scientifique.

Dans les années 1980, Piotr Słonimski a également été président de l’association Solidarité France-Pologne, qui soutenait à la fois les échanges scientifiques et les activités syndicales dans la République de Pologne. Pendant la loi martiale, il a financé des bourses pour de jeunes scientifiques souhaitant quitter le pays. Pendant de nombreuses années, il a également été un visiteur régulier à Varsovie, où il a non seulement renforcé sa coopération avec l’Institut de biochimie et de biophysique de l’Académie polonaise des sciences (PAN), mais a également participé activement à des discussions sur l’avenir du pays avec des figures clés de la culture et de la politique polonaises, telles que Jacek Kuroń, Bronisław Baczko, Bronisław Geremek, Marian Brandys, Leszek Kołakowski ou Adam Michnik. En 1985, il est à l’origine d’une lettre ouverte, signée par une douzaine de lauréats du prix Nobel, s’opposant à la restriction de la liberté académique par Wojciech Jaruzelski.

Enfin, vers la fin de sa vie, déjà dans la Pologne indépendante, Słonimski a établi une collaboration scientifique de longue date avec les mathématiciens polonais Jerzy Tiuryn et Jan P. Radomski sur des questions nouvelles en bioinformatique, qui était une extension naturelle de ses travaux sur la génomique.

Pour sa contribution inestimable à la science et à la culture mondiales et polonaises, Piotr Słonimski s’est vu décerner à titre posthume la croix de commandeur avec étoile Polonia Restituta par le président de la République de Pologne, Lech Kaczyński, qui a comparé le scientifique polonais à un autre grand émigré parisien, Frédéric Chopin.

 

Conclusion et références bibliographiques

La biographie ci-dessus de Piotr Słonimski présente un compte-rendu extrêmement bref et superficiel de son œuvre, et passe sous silence de nombreux éléments de sa riche biographie. J’omets notamment la liste des médailles, distinctions et prix internationaux qu’il a reçus.

Une biographie complète du professeur peut être trouvée dans le livre de Robert Jarocki intitulé „Genetyk i historia, opowieść o Piotrze Słonimskim”.

Les lecteurs francophones trouveront des informations supplémentaires dans les mémoires, les interviews et les conférences du professeur, disponibles en ligne :

1) http://histrecmed.fr/index.php?option=com_content&view=article&id=255:slonimski-discours-medaille-d-or&catid=11:article&Itemid=229

2) http://histrecmed.fr/index.php?option=com_content&view=article&id=85:slonimski-piotr&catid=8:entretiens&Itemid=229

 

Mapa

Miejsce urodzenia, nauki w gimnazjum i studiów na tajnym wydziale lekarskim UW (podczas okupacji), działalności w Szarych Szeregach i AK, walk w powstaniu, powojenne przyjazdy już jako obywatel francuski


Warszawa, Polska

Ukończenie studiów i uzyskanie tytułu lekarza na Uniwersytecie Jagiellońskim w 1946, praca w uniwersyteckim Zakładzie Embriologii


Kraków, Polska

Miejsce emigracji w 1949, praca w Instytucie Biologii Fizyko-Chemicznej w laboratorium Borysa Ephrussiego, profesura w Narodowym Centrum Badań Naukowych w 1962, profesor na Uniwersytecie Pierre’a i Marie Curie 1966-1991, miejsce śmierci


Paryż, Francja

Miejsce utworzenia laboratorium genetyki molekularnej, w latach 1971-1991 jego dyrektor


Gif-sur-Yvette, Francja

Tytuł doktora honoris causa Uniwersytetu Wrocławskiego w 1976


Wrocław, Polska